On a pas les mêmes valeurs! (Veuve Clicquot avec les rillettes?).

 

T’as vidé le bocal dans l’évier, avec les poissons ?

Oui, je voulais faire d’une pierre deux coups, laver le bocal et les poissons.

En attendant ils sont partis par le trou que tu vois là.

Bon c’est vrai, j’avais oublié le bouchon.

Tu sais combien ils m’ont coûtés ces poissons tropicaux ?

Eh bien qui sait, ils vont peut-être rejoindre les Tropiques. C’est un peu comme ouvrir la cage aux oiseaux.

Alors là, t’as pas intérêt, ce sont des oiseaux des îles, ça vaut une fortune.

Tu risques pas d’adopter un chat de gouttière. Et moi je vaux combien d’après toi ?

J’préfère pas répondre.

Bon chérie je sors faire quelques courses. Tu veux quoi, homard, cochon laqué, truffes du Périgord ?

C’est même pas la saison des truffes, et je parie que tu n’y a jamais goûté.

A mon avis, tu fais un complexe parce que je gagne 5 fois ton salaire. Je suis sûre que tu ne t’en est pas vanté.

Non, mais je compte sur toi pour le faire et me le rappeler constamment.

Moi au moins je fais un métier noble et utile. Toi tu spécules sur le dos des pauvres gars dans mon genre.

Rien à voir avec mon boulot, même si j’utilisais des mots simples pour expliquer ce que je fais tu ne comprendrais pas.

Évidemment, un abruti comme moi ! Quand on est incapable d’expliquer ce que l’on fait, c’est qu’il y a forcément une entourloupe.

Un peu comme les clauses d’assurance, mises bout à bout, à espace régulier, on pourrait baliser le GR20 en Corse.

Monsieur a sa culture géographique. Tout le monde ignore, évidemment, où se trouve le GR20.

Bon j’me barre.

C’est ça chéri, et t’évites de claquer la porte comme à chaque fois. J’ai des coups de fil à passer, tu sais que mon temps est précieux.

Ouais, t’es payé au coup d’fil, et en plus tu bosses à la maison. T’en passes 2 ou 3 par jour et c’est l’équivalent de ma journée de 8 heures.

D’où l’intérêt d’avoir fait des études mon chou.

Voilà, j’ai rapporté une baguette et du jambon, plus la pizza pour ce soir.

C’est Byzance, t’as oublié les rillettes ! Je ne te demande pas ce qu’il y a dans l’autre sac.

Non, t’as pas à m’demander, heureusement que je peux encore acheter ce que je veux avec mon argent.

T’as raison, fais-toi plaisir, vu que c’est moi qui paie le crédit de la maison, de nos deux voitures, des vacances …

Ben moi j’vais ranger les courses, pendant qu’tu termines ta liste pour mieux m’humilier.

Tu veux que je t’aides pour beurrer la baguette ? Si tu prends l’apéro en même temps, on est pas prêt de manger.

Madame veut peut-être son verre de Veuve Clicquot ? Tu m’excuseras, y a plus d’caviar, t’auras des cacahuètes.

Au fait chéri, ce soir on va à l’opéra.

Tu rigoles, ce soir c’est France -Allemagne, et tu sais parfaitement que l’opéra c’est pas mon truc.

Bon, comme à chaque fois je vais y aller avec mon amie.

J’aimerais bien savoir comment il s’appelle ton amie-eu.

Je ne vois pas du tout ce que tu veux dire.

C’est ça, tu veux que je lui téléphone à ta copine, histoire de comparer les agendas. 3 sorties culturelles par semaine, sans compter tes soi-disant activités une bonne partie du week-end. 

Allez viens là mon gros ours mal léché, ce soir on oublie l’opéra, et je regarde le match avec toi.

Quel sacrifice pour noyer le poisson.

Mon lapin tu n’y est pas du tout. C’est vrai, je t’ai menti. Dans mon travail je dois me déplacer pour négocier les contrats. Je baigne dans les milieux huppés et il faut soigner le cadre des rendez-vous. C’est pour ça que je t’aime, quand je suis avec toi, c’est comme des vacances.

Je ne sais pas trop comment je dois le prendre.

Prends-le comme tu veux, et d’accord pour la Veuve Clicquot.

Ouais, j’en profite pour me servir un pastis, on a pas les mêmes valeurs.

C’est ça chéri, moi je passe un coup d’fil.

Allô, mon amour, pour l’opéra ce soir on annule. Je t’expliquerai.