Je suis content d'avoir fait du théâtre.
Le théâtre avait été pour moi une expérience à la fois exaltante et douloureuse. A part les divers ateliers ou expériences antérieures, quand j’étais gosse, j’avais vraiment joué le 1er rôle dans 3 pièces, avec un vrai metteur en scène professionnel. Les bricolages de patronage, financés en partie par la mairie, ça me branchait pas du tout.
Voir des amateurs réciter des textes comme à l’école primaire en costumes d’époque, c’était plutôt déprimant et contre productif.
J’étais plutôt difficile, comme une star d' Hollywood. Je me donnais à fond et je laissais quelques années avant de revenir à la scène.
Le public était conquis, mais j’étais lessivé. Tout le contraire d’un pro de la Comédie Française, qui partait au boulot après un bon dîner dans les jardins du Palais Royal.
J’avais la fâcheuse tendance à donner tout ce que j’avais, un peu comme dans une thérapie. J’étais fébrile, exalté et un brin habité par le rôle. Une fois arrivé sur scène, juste après la réplique de départ que je redoutais en coulisses, tout allait à cent à l’heure. J’étais une fusée lancée en orbite et je débitais mon texte avec les tripes. Apparemment, ça marchait du tonnerre. Le public vibrait.
J’avais joué 2 fois l’Ours de Tchekhov , avec 2 mises en scène totalement différentes. L’une d’elles était plus fidèle au texte, franchement misogyne.
Enfin dans les 2 cas j’étais bon. Je montais sur la chaise pour blâmer la gente féminine avec un nez de clown. C’était le contraire de Vous les femmes d’Iglesias.
J’avais joué Proctor dans Les Sorcières de Salem. La version de Marcel Aymé (un peu plus de 2 heures) celle de Miller, l’auteur original, durait 5 heures.
Il était question d’adultère sur fond de chasse aux sorcières. Miller avait écrit la pièce au moment du Maccarthysme.
J’étais amoureux de la fille en question, ça ajoutait sans doute à la crédibilité.
Comme les voix off des chroniqueurs de bazar aux infos, certaines intonations finissent par vous taper sur les nerfs. J’avais adopté l’intonation blasée et monocorde d’Isabelle Huppert et du roi Depardieu . Que personne ici ne s’imagine que je me compare à ces résidents de l’Olympe.
Mon propos se résume à la voix caverneuse de Noiret ou des avocats médiatisés.
Que rien ne soit exagéré, ni le timbre de la voix, ni les maquillages, ni les gestes, ni les émotions portées au paroxysme et à la caricature.
Le public n’est pas débile, pas besoin de forcer le trait pour comprendre que ce malheureux agonise. Les acteurs oublient ceux qu’ils incarnent, de chair et d’os, tout occupés qu’ils sont à flatter leur ego.
Oui, je suis content d’avoir fait du théâtre.
Pour rester fidèle aux origines, il faut apprendre le texte par cœur. La mise en scène et les échanges de répliques aident à s’en souvenir au fil des répétitions. Comme dans les sports collectifs, tout se joue en équipe. Si on veut faire cavalier seul et flatter son ego, alors autant se frotter aux salles du Marée ou d’ailleurs pour faire carrière.
Le metteur scène est la clé de voûte. Se laisser guider par la beauté du texte , accorder un silence à la moindre virgule, respecter l’auteur. Respecter surtout le public. Les codes du théâtre sont parfois surannés, il faut se souvenir que tout le monde a vécu.
Il vaut mieux parodier que singer le tragique ou se croire obligé d’incarner l’universel.
Tout est codifié certes, mais le souffleur peut bien s’époumoner, si la pièce dérape le public se navre. J’avais vu La Tempête, mise en scène de Mesguich de la Comédie Française. Des décors sublimes, un jeu d’acteurs inoubliable, Du vrai théâtre.
Laissons les passeurs passer, comme les restaurateurs de tapisseries du Moyen Age, comme les tailleurs de pierre ou les maîtres vitriers, et autres maçons , tous les artisans de l’histoire, de notre histoire, devraient être décorés pour service rendu à la patrie.
Nos Présidents seraient bien inspirés de parler de culture et d’art. Les salades ça va bien, on est pas des tortues.
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