C'est l'heure des loups.

Les chanterelles chantent. Les trompettes de la mort ont changé leur registre pour les accompagner. Les cèpes s’acoquinent avec les bolets de Satan. Ici et là, quelques fraises des bois titubent. Elles sont complètement ivres déjà.

Les écureuils en perdent leur latin, mais c’est fête aujourd’hui.

Les fougères camouflent avec bonhommie les amoureux d’un jour. 

Les tics attendent leur proie pour le grand plongeon.

Les fourmis rouges et noirs se préparent pour le grand tournois.

 Au programme, évidemment, les jeux de kermesse. Course en sac avec les chrysalides, tir aux papillons, chevauchée de libellules, parcours de varappe sur les grands chênes, chamboule-tout sur les salamandres, sauts périlleux dans la mousse, et beaucoup d’autres attractions.

Sur les plans d’eau minuscules, les grenouilles font des ballets aquatiques.

Les visiteurs déambulent au hasard et se laissent surprendre. C’est le concept.

Les sangliers défilent à intervalles réguliers, ils se sont entraînés toute l’année.

Les biches jouent à colin-maillard, comme à la Cour. Les cerfs sont assis autour et brament à tout-va.

Le soleil, tamisé par le feuillage, assure la régie.

« Un petit hérisson cherche sa mère » . C’est quoi ton prénom ?

Les bousiers jouent le mythe de Sisyphe mais c’est payant.

Les piverts se prennent pour les batteurs du Bronx et tous les oiseaux pour des Indiens.

« Vous êtes très beau, Monsieur du crapaud » 

« Tu me gonfles et j’vais t’en mettre une » .

Les renards font bande à part et parlent littérature et poésie.

Que tous ces gueux s’amusent, j’aurais mieux fait de rester au lit.

« Bientôt le résultat de l’élection. Qui sera Reine cette année ? »  .

Bon les gars, j’me fais chier et je rentre .

C’est toi qui vois mon vieux.

Le Grand Duc a porté plainte pour tapage en plein jour.

C’est-y pas malheureux ?

Certes Monsieur.

La sève coule à flot hélas. On prévoit des bagarres.

Allez, on rentre à la tanière. 

Maman, papa, on s’amusait bien.

Oui, mais là faut pas traîner, on t’expliquera.

Le soleil décline et laisse la place aux noctambules. La lune a tout repeint en gris argent.

C’est l’heure de la débauche et du péché, c’est l’heure des sorcières. Le bon peuple a regagné son trou.

Vous n’êtes pas encore rentrées ? Tant pis pour vous.

C’est l’heure des loups.



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