On s'enfonce Monseigneur.


 On s’enfonce Monseigneur, on s’enfonce.

Allons bon, n’avez vous pas autre chose à dire, et surtout à faire ? Rien n’est jamais perdu. Je compte sur vous pour le faire savoir.

Mais enfin Monseigneur, la récolte est mauvaise, comme c’est le cas hélas depuis des années. Les journaliers désœuvrés rejoignent les bandes pour piller nos villages. On a plus de quoi nourrir nos bêtes et, pardon, j’aurais dû commencer par là, nos gens.

Les métayers sont faméliques et je ne parle pas de leurs enfants pour ne pas trop en dire, enfin si c’est bien triste, les avez-vous vus ?

Que me racontez-vous là. Suis-je le Bon Dieu ? Si les récoltes sont mauvaises c’est quand même de sa faute.

Vous blasphémez Monseigneur. Vos pairs ont su se diversifier.

Comment osez-vous ? Restez donc à votre place. Toutes ces choses sont bien trop complexes, vous n’êtes qu’un paysan ! C’est à moi que vous devez d’être un peu mieux loti. Ne l’oubliez pas et tenez votre langue.

Si je me tais Monseigneur, personne ne prendra le relais. Il n’est pas trop tard. Lorsque le peuple a faim vous savez qu’il n’essaieront pas de vous faire entendre raison. Ils prendront les fourches et les torches. Vous le savez très bien.

Le château tombe en ruines et nous n’avons pas les moyens de payer les artisans. Ce n’est peut-être qu’un symbole, mais pour les gens ça compte. Vous connaissez toutes ces choses et vous ne faites rien.

Tiens donc, et que feriez-vous à ma place ?

Vous avez Monseigneur beaucoup de cartes en main. Vos forêts grouillent de gibier, et du bois il y en a. Le courant de vos rivières attend ses moulins, la récolte est mauvaise mais vous avez de quoi faire pousser autre chose, je ne suis pas expert, cherchez des spécialistes.

Tous vos gens désœuvrés seraient bien utiles si vous investissiez dans les manufactures. Je suis bien ignorant et ne saurait vous dire lesquelles, mes vos pairs …

Bon, vous l’avez déjà dit, cessez d’y faire référence.

C’est vrai Monseigneur, pardonnez mon audace, je me répète et je suis maladroit.

Mon bon je vous pardonne. J’avoue être un peu à la traîne. Si je vous suis bien il faudrait de l’audace. Mais je suis bien trop vieux pour entreprendre tout ça. Et comme vous le savez, la Marquise n’a plus toute sa tête.

Mon fils a entrepris des études pour être notaire ou avocat. Il n’y connaît rien aux affaires agricoles mais sur ce point je peux l’instruire. Il est brillant et sait y faire. 

Et pourquoi renoncerait-il à ses ambitions ?

Eh bien, c’est la carte maîtresse que vous avez en main, il a, euh, il soupire, enfin il ne pense …

Oui, dites, on a pas la journée !

Il s’est entiché de votre fille et voilà toute l’affaire.

Mais enfin, il rêve ! Et vous aussi d’ailleurs. Qu’on laisse ma fille faire ces noces avec un promis de son rang. La Marquise ne fera pas la différence vu son état, mais ne comptez pas sur moi pour accepter le marché.

Comme il vous plaira Monseigneur. Mais avez-vous parlé avec votre fille ? 

Vous avez vraiment l’art de vous mettre en danger. Croyez-vous que je ne pourrais vous révoquer sur le champ ?

Faites. Mon fils a du talent et pourrait en un an vous rendre prospère. Le promis en dentelles que vous escomptez saura-t’il sauver votre navire ?

Bon, laissez-moi y réfléchir. J’aimerais bien rencontrer le prodige, si ce n’est pas trop demander.

Monseigneur a de l’humour.

Et le fils a fait la fierté de son père. Il n’avait pas vraiment terminé ses études mais il a pris la main. Le domaine a prospéré, quelques idées de bon sens.

La fille du Marquis a dit oui en riant.

Tous les « gens » ont été invités.

Le Marquis a installé le beau père à l’étage. Plus de « Monseigneur » mais beaucoup de clins d’œil complices et de tapes dans le dos.


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